11 avril 2020

Le Livre de Monelle : un des 100 courts chefs-d'œuvre à (re)lire !

Dans cette anthologie de notices invitant à découvrir ou à relire des œuvres littéraires d’une longueur de moins de cent cinquante pages, Jean-Pierre Montal et Jean-Christophe Napias proposent cent titres de fictions « disponibles en poche et en volume indépendant », en privilégiant les « livres bizarres » d’auteurs célèbres ou méconnus. Dans ce panthéon de la brièveté conçu pour les lecteurs découragés par les « gros livres », figure Le Livre de Monelle de Marcel Schwob, entre Mademoiselle Else d’Arthur Schnitzler et Le Vieux qui lisait des romans d’amour de Luis Sepúlveda. Assorti d’une présentation courte mais bien renseignée et d’une citation élogieuse de Maeterlinck, Le Livre de Monelle est qualifié avec humour de chef-d’œuvre à lire « en pleine crise mystique ». Nulle nécessité pourtant d’être dans cet état pour apprécier ce court chef-d’œuvre ! (Bruno Fabre)


Biblio : Jean-Pierre Montal & Jean-Christophe Napias, 100 courts chefs d’œuvreà lire en une heure, une soirée, une journée, le temps d’un voyage en train, Paris, La Table Ronde, coll. « La petite vermillon », 2018, 222 p.

10 avril 2020

Aleister Crowley, Auguste Rodin, Marcel Schwob

Première traduction en français du recueil de poésies symbolistes Rodin in Rime d’Aleister Crowley, poète excentrique et maître ès sciences occultes à la réputation sulfureuse, Le dit de Rodin réunit les quarante-deux poèmes publiés par l’auteur en 1907, inspirés par les sculptures de l’artiste. Une longue préface sur la « rencontre exemplaire » de Rodin et de Crowley accorde une place significative à Marcel Schwob. Plusieurs appendices complètent la connaissance de la relation entre le poète et le sculpteur qui se fréquentèrent lors du séjour de Crowley à Paris en 1903 : ils se composent de onze lettres de Rodin à Crowley, de deux poèmes traduits par Marcel Schwob, de sept autres traduits en français par le poète et de l’interview de Crowley par Fernand Hauser parue dans La Presse le 3 avril 1903 (organisée chez Schwob, lequel servit d’interprète). C’est donc davantage autour de ces trois artistes (Crowley, Rodin et Schwob) que cet ouvrage a été conçu. Malgré quelques erreurs dans les dates, cette édition permet de faire découvrir la poésie de Crowley au lecteur français et propose un double dialogue des arts, entre poésie et sculpture d’une part, entre les poèmes et les dessins reproduits dans le livre, d’autre part. (Bruno Fabre)



Biblio : 

- Aleister Crowley, Le dit de Rodin, avec sept lithographies d’Auguste Clot d’après des aquarelles d’Auguste Rodin. Traduction française de Philippe Pissier, précédée de « 49 toasts pour un siècle qui s’éloigne » d’André Murcie, [Le Vigan], L’arachnoïde, 2018, 160 p.

- Bruno Fabre, « Marcel Schwob dans les Confessions d’Aleister Crowley » suivi d’« Extraits des Confessions d’Aleister Crowley », Spicilège – Cahiers Marcel Schwob, n° 12, Paris, Société Marcel Schwob, 2019, p. 61-71.

- « Une lettre inédite d’Aleister Crowley à Marcel Schwob » (12 mars 1903), Spicilège – Cahiers Marcel Schwob, n° 12, Paris, Société Marcel Schwob, 2019, p. 72-73.

- « Deux poèmes d’Aleister Crowley traduits par Marcel Schwob », Spicilège – Cahiers Marcel Schwob, n° 12, Paris, Société Marcel Schwob, 2019, p. 74-77.

- Bruno Fabre, « Une conversation chez Marcel Schwob : Aleister Crowley vu par Fernand Hauser », Spicilège – Cahiers Marcel Schwob, n° 12, Paris, Société Marcel Schwob, 2019, p. 79-80.

- Fernand Hauser, « Retour de l’Himalaya – Un poète voyageur (La Presse, 3 avril 1903) », Spicilège – Cahiers Marcel Schwob, n° 12, Paris, Société Marcel Schwob, 2019, p. 81-85. 

9 avril 2020

Adaptation musicale de "La Cité dormante" (Le Roi au masque d’or) par Alexandre Guerra, "Fantasia" (2019) : un conte pour cordes

Alexandre Guerra, compositeur brésilien né en 1971, a publié plusieurs albums de musique instrumentale. Son dernier CD, édité en 2018, propose une suite d’œuvres de sa composition enregistrée en Hongrie, où l’artiste a dirigé l’orchestre symphonique de Budapest. Intitulé Fantasia, l’album réunit cinq pièces musicales : une « Fantaisie pour guitare et orchestre » d’après un conte de Paolo Coelho, un « Lamento pour cordes » évoquant la destinée des Indiens du Brésil et trois opus intitulés « Conte pour cordes », inspirés respectivement par une œuvre de Marcel Schwob, d’Eça de Queiroz et de Rubem Alves. Le « Conte pour cordes n° 1 » (11,27 min), résonance musicale du conte fantastique « La Cité dormante » (Le Roi au masque d’or), confirme la vitalité de l’œuvre de Schwob dans la culture brésilienne. (Bruno Fabre)
L’album est à écouter en ligne : 


Références : Alexandre Guerra, Fantasia, avec la participation du guitariste Chrystian Dozza, Orchestre Symphonique de Budapest, Inputsom Arte Sonora LTDA, CD enregistré à Budapest (Hongrie), 2018, 55 mn.

8 avril 2020

Réédition du conte "Le Pays bleu" chez ABEditore (Milano, 2019)

À peine trois mois après le Petit Guide de poche des animaux dangereux en littérature, les éditions ABEditore récidivent avec un Petit Guide de poche des lieux à éviter en littérature où « Le Pays bleu » (Il paese blu) de Marcel Schwob, traduit par Annarita Tranfici, est recueilli aux côtés d’autres contes de Bram Stocker, O. Henry, Montague Rhodes James, Léon Bloy, Gustav Meyrink, Algernon Blackwood, Guy de Maupassant et Arthur Conan Doyle. L’ouvrage est aussi élégant que les précédents et toujours aussi agréablement illustré. (Bruno Fabre)



Biblio : Piccola Guida Tascabile ai Luoghi da non Frequentare in LetteraturaOverro come una buona conoscenza geografica può salvare la vita, Milano, ABEditore, avril 2019, 215 p.

7 avril 2020

Réédition du conte "Arachné" chez ABEditore (Milano, 2019)

Marcel Schwob est vraiment à l’honneur dans la maison d’édition milanaise indépendante ABEditore. Après « Le Roi au masque d’or » publié dans Dentro la maschera, « Un Squelette » et « Les Embaumeuses », dans la collection « Pagine d’Autore », c’est au tour d’« Arachné » (Aracne) de figurer dans la toute récente anthologie de récits centrés autour des animaux dangereux en littérature. Dans ce volume, Schwob voisine cette fois avec William Wymark Jacobs, Guy de Maupassant, Joseph Sheridan Le Fanu, Ambrose Bierce, Montague Rhodes James, Adolfo Albertazzi et Franz Kafka. Un dessin représentant un visage surmonté d’une araignée géante illustre magnifiquement la fin du conte de Marcel Schwob. (Bruno Fabre)




Biblio : Piccola Guida Tascabile agli Animali Pericolosi in LetteraturaOvvero la zoologia come espediente per la letteratura, Milano, ABEditore, janvier 2019, 190 p.

6 avril 2020

Réédition des contes "Un squelette" et "Les Embaumeuses" chez ABEditore (Milano, 2018)

Les éditions ABEditore ont lancé en 2018 une nouvelle collection, « Pagine d’Autore », constituée de pochettes contenant quatre ou cinq histoires d’écrivains issus de plusieurs aires linguistiques et traduites en italien par un groupe nommé la Bottega dei traduttori. Chaque texte est présenté sur un feuillet mobile, façon papier vieilli, avec un graphisme inspiré de revues ou de journaux anciens, de tapuscrits d’autrefois. Les titres et les contes des six premiers opus révèlent une thématique à dominante fantastique : Magie, Double, Rêve, Cauchemar, Animaux mortels, Plantes infâmes. Deux contes de Marcel Schwob y sont traduits par Annarita Tranfici : « Un squelette » (Lo Scheletro), recueilli dans Doppio, et « Les Embaumeuses » (Le Imbalsamatrici), dans Incubo. Illustrer le thème du double avec « Un squelette » est insolite et « Les Embaumeuses » ne se résume pas à un cauchemar mais le choix de ces textes, qui ne comptent pas parmi les plus célèbres de Cœur double et du Roi au masque d’or, a le mérite de les faire mieux connaître au lecteur italien. (Bruno Fabre)





Biblio : 

Doppio [Double], L’Imbustastorie « Pagine d’Autore », II, Milano, ABEditore, 2018. 

Incubo [Cauchemar], L’Imbustastorie « Pagine d’Autore », IV, Milano, ABEditore, 2018.

5 avril 2020

Réédition du conte "Le Roi au masque d'or" chez ABEditore (Milano, 2018)


Dans cette anthologie réunissant quatre histoires de masques traduites en italien, « Le Roi au masque d’or » de Marcel Schwob côtoie « L’Homme sur la bouteille » de Gustav Meyrink, « Le Masque » de Guy de Maupassant et « Le Masque de la mort rouge » d’Edgar Poe. L’ouvrage est décoré de citations d’auteurs divers et richement illustré de gravures anciennes (on reconnaît La Mort sur un cheval pâle de John Hamilton Mortimer) et d’œuvres d’artistes fin-de-siècle (Charles Allan Gilbert, Félicien Rops, notamment), représentant squelettes et Faucheuses, crânes masqués et danses macabres. La gravure placée en frontispice du « Roi au masque d’or » montrant un pape à tête de mort démasqué évoque davantage une vanité que le roi lépreux imaginé par Schwob. Une vignette aux allures de réclame (sur le rabat de 4e de couverture) présente l’auteur comme « écrivain symboliste précurseur du surréalisme » et recommande la lecture de Vies imaginaires. Son décor antiquisant et égyptien, dominé par un profil d’ibis inspiré d’un chromo, crée un nouveau masque de Marcel Schwob. (Bruno Fabre)







Biblio : Dentro la maschera [Marcel Schwob, « Il Re dalla Maschera d’Oro », trad. di Annarita Tranfici ; Gustav Meyrink, « L’Uomo sulla Bottiglia », trad. di Anna Marziliano ; Guy de Maupassant, « La Maschera », trad. di Lorena Lombardi ; Edgar Poe, « La Maschera della Morte Rossa », trad. di Valentina Avallone], dalla prefazione di Sara Elisa Riva, Milano, ABEditore, coll. « Piccoli Mondi », n° 11, 2018, 112 p.

4 avril 2020

Les deux Marcel : Schwob et Proust lecteurs

Après une réédition de La Croisade des enfants suivi de [huit] Nouvelles de L’Écho de Paris (2013) et d’un françois villon par R. L. Stevenson, un logis pour la nuit et Marcel Schwob, françois villon (sic, 2014), les éditions Marguerite Waknine confrontent à nouveau un texte de Schwob avec un autre d’un de ses contemporains fameux, Marcel Proust. Il fallait oser placer les noms de ces deux Marcel sur la même couverture mais l’éditeur voit en eux « deux immenses auteurs ». Ajoutons que les deux hommes de lettres se sont croisés parfois dans les salons mondains de leur époque et que le poète espagnol Luis Alberto de Cuenca les a réunis aussi dans le poème intitulé « Los dos Marcelos » (1991).

Sous le titre lectures, l’éditeur a recueilli le texte de Schwob « Il libro della mia memoria », paru initialement dans le premier numéro de la revue Vers et Prose (mars-avril-mai 1905), et celui de Proust « Sur la lecture », publié en juin 1905 dans La Renaissance latine, avant de devenir, l’année suivante, la préface à sa traduction française de Sésame et les Lys de John Ruskin. À l’instar des autres volumes de la collection « Livrets d’art », l’ouvrage comprend un beau cahier iconographique d’œuvres artistiques peu connues montrant des lecteurs et lectrices partageant les plaisirs évoqués par les deux écrivains. (Bruno Fabre)


Biblio : Marcel Schwob & Marcel Proust, lectures [Marcel Schwob, « Il libro della mia memoria » ; Marcel Proust, « Sur la lecture »], Angoulême, éd. Marguerite Waknine, coll. « livrets d’art », 2019.

3 avril 2020

Réédition de la vie imaginaire de "Paolo Uccello, peintre" (2019)

Michel Valensi a eu la bonne idée de rassembler et de présenter dans un gracieux opuscule cinq « vies » de Paolo Uccello en accordant la première place à celle de Marcel Schwob, « vie imaginaire, et donc pleine de vérité vraie ». La préface reproduit d’ailleurs tout le passage consacré au peintre dans le dialogue « La femme comme parangon d’art », repris dans Spicilège sous le titre « L’Art ». La vie de « Paolo Uccello, peintre florentin » par Giorgio Vasari, la première du genre, est présentée en fin de volume dans une traduction de 1840, accompagnée par un commentaire du peintre contemporain Ph.-A. Jeanron qui fait l’éloge de l’apostolat solitaire et tragique du dessinateur de la Renaissance. Après la vie imaginaire de Schwob figurent les trois textes consacrés dans son sillage par Antonin Artaud à ce « Paul » auquel il s’identifie douloureusement : les deux versions du « drame mental » « Paul les Oiseaux » ou « La place de l’amour » (1924 et 1925), et « Uccello, le poil » (1926) dont l’excipit résonne avec celui de Schwob : « Toi Uccello, tu apprends à n’être qu’une ligne et l’étage élevé d’un secret ». (Agnès Lhermitte)




Biblio : Schwob Artaud Vasari, Vies de Paolo Uccello, Paris, éditions de l’éclat, 2019, 62 p.

2 avril 2020

Réédition de la vie imaginaire de "Katherine la Dentellière, fille amoureuse" (2019)

 Après l’entrée de « Katherine la Dentellière, fille amoureuse » dans la prestigieuse collection de la « Bibliothèque de la Pléiade » (dans François Villon, Œuvres complètes, Gallimard, 2014, p. 564-566), cette vie imaginaire d’un protagoniste féminin des plus obscurs du recueil de Marcel Schwob vient d’être rééditée dans un des manuels scolaires tout récemment publiés à l’occasion des nouveaux programmes de Lettres au lycée.


Dans le manuel Français 2de Escales, chez Belin Éducation, « Katherine la Dentellière, fille amoureuse » est l’une des quatre fictions brèves que les lycéens peuvent lire et étudier dans leur texte intégral (les trois autres sont de Marie de France, Guy de Maupassant et Romain Gary). Illustrée d’œuvres plastiques d’artistes anonymes de l’époque médiévale, la vie imaginaire de Katherine la Dentellière s’inscrit dans une séquence intitulée « Vies ordinaires, vies romanesques », centrée sur l’étude de L’Assommoir. Elle se déploie sur trois pages – la première en regard d’un extrait de Madame Bovary – et précède un extrait de Vies minuscules de Pierre Michon. Le récit de Schwob apparaît comme un contrepoint du roman de Zola, en offrant un prolongement des vies tragiques de femmes ordinaires, celles de Gervaise et d’Emma, et la matière d’une réflexion sur le réalisme et la fiction biographique.

Excepté deux phrases (!) tirées de Cœur double dans le cadre d’un exercice sur « l’espace dans le récit » (Français, Au fil des textes, 2de, dir. Camille Dappoigny, hachette éducation, 2019, p. 363), les manuels scolaires conçus dans le cadre de la réforme des programmes de 2019 continuent de passer sous silence le nom de Schwob. La publication du texte intégral de « Katherine la Dentellière » dans un manuel scolaire destiné aux lycéens apparaît donc comme un événement. Rendons hommage à la belle initiative de Valérie Cabessa, directrice scientifique de l’ouvrage et amatrice de l’œuvre de Marcel Schwob. Un défi lancé à l’éditeur et une grande victoire ! (Bruno Fabre)


Biblio : « Katherine la Dentellière, fille amoureuse » [Vies imaginaires], Français 2de Escales, sous la direction de Valérie Cabessa, Paris, Belin Éducation, 2019, p. 75-77.

1 avril 2020

Réédition du conte "Arachné" (2019)


Le conte « Arachné », un des joyaux de Cœur double, est intégré à une anthologie ambitieuse : un choix de vingt et un textes en cinq langues, écrits entre 1842 et 1983, explore les avatars du mythe de la femme-araignée avec lequel joue la littérature européenne depuis les Métamorphoses d’Ovide. Les deux autrices, spécialistes du thème arachnéen, ont privilégié ici, en l’accompagnant de quelques poèmes, le genre de la nouvelle fantastique moderne où sont travaillées savamment, entre terreur et humour, les composantes fantasmatiques d’un mythe « mineur » mais sécrétant indéfiniment le piège de sa toile de mots. Le trouble naît du désir transgressif et morbide, des incertitudes de la réversibilité comme du réseau intertextuel fascinant qui rappelle la tapisserie de l’héroïne ovidienne. La fin de siècle, représentée dans le domaine français par Jean Lorrain, Rachilde et Marcel Schwob, recourt à l’araignée pour figurer la femme fatale, l’amante ou la mère dévoratrice. Les textes sont présentés en version originale, avec en regard une traduction inédite ou revue, et sont assortis de longues notices à la fois informatives et profondément analytiques. Celle qu’Évanghélia Stead consacre à « Arachné », reprise de l’article « Arachné : le fil, la chaîne et la trame » (Marcel Schwob d’hier et d’aujourd’hui, Champ Vallon, 2002), éclaire magistralement l’art poétique de Schwob que ce conte illustre par sa charge symbolique comme par sa facture complexe. Le tissage étourdissant de ses motifs en fait non seulement un « conte d’amour, de folie et de mort », mais un « conte des contes ». (Agnès Lhermitte)



Biblio : Dans la toile d’Arachné. Contes d’amour, de folie et de mort, textes réunis et commentés par Sylvie Ballestra-Puech et Évanghélia Stead, Grenoble, Jérôme Millon, 2019, 722 p.