Bernard
Chambaz, 17, Paris, Éditions du
Seuil, 2017, 144 p.
Poète,
romancier, essayiste, historien, Bernard Chambaz (né en 1949, prix Goncourt du
premier roman pour L’arbre de vies en
1993) a publié en mars 2017 un livre composé de dix-sept vies brèves
d’individus nés ou morts une année en 17, conjuguant la célébration
(pluri)centenaire à un dispositif d’écriture fondé sur une contrainte, dans le
sillage des recueils de vies que notre époque a remis à la mode.
Le
livre s’ouvre par un préambule qui fait état du désir initial de l’auteur de
commémorer la révolution d’octobre 1917 et donne lieu au récit biographique de
deux personnages ayant connu un destin particulier cette année-là, Alexandre
Kerenski et Boris Pasternak. Puis, les dix-sept vies qui forment le cœur du
livre sont introduites par un art poétique de la vie brève qui évoque La Vie
de Disraëli de Maurois mais rappelle davantage la préface de Vies imaginaires de Schwob, recueil
auquel l’épilogue rend un hommage appuyé et dans lequel une dernière vie brève
(mais plus longue que les autres), celle de Schwob, marque le
centcinquantenaire de sa naissance. Ce récit biographique supplémentaire
composé à l’occasion d’un projet de livre possible sur les
(pluri)cinquantenaires en 17 (où Maurois, mort en 1967, côtoierait Schwob, né
un siècle plus tôt) signale la filiation de Vies
imaginaires et de 17, à travers
notamment le goût partagé de la concision et du détail vivant, et le choix de
Pocahontas, morte en 1617, dont la vie est racontée dans les deux œuvres.
Le
livre conclut que « 17 n’a rien, on l’a lu, d’un livre funèbre ».
Peut-être. Mais au-delà des « tours de manège » effrénés, 17 apparaît comme une nouvelle variation
sur l’orphanos (mot grec désignant à
la fois le deuil des parents ayant perdu un enfant et celui des enfants
orphelins) que Bernard Chambaz a défini dans Dernières nouvelles du martin-pêcheur (2014), ouvrage consacré à
son fils Martin, mort dans un accident de voiture à l’adolescence. Le
biographème de l’orphanos est en
effet un des leitmotive du livre, notamment chez Jane Austen « qui postule
la profondeur de la peine que nous éprouvons face à la disparition d’un
parent ». Ces dix-sept notices biographiques continuent donc d’exprimer
« de biais » ce que plusieurs œuvres de l’écrivain tentent
d’exorciser depuis la mort de son fils. Et c’est dans ce rapport spéculaire
précis entre Bernard Chambaz et ses protagonistes que cet auteur apparaît
réellement comme un continuateur de Schwob, dont les Vies imaginaires prolonge le travail de deuil commencé dans Le Livre de Monelle. (Bruno Fabre)
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